L’économiste était l’invité de l’émission ‘’La vérité en face’’, diffusée sur Équinoxe TV le 16 juillet 2023.
Économiste chevronné, ancien journaliste économique qui revendique plus de 40 années dans des organismes internationaux, Emmanuel Ngankam Noubissie est l’ancien numéro deux de la Banque mondiale (BM) en Côte d’Ivoire, entre autres. Il a donc une connaissance parfaite des rouages de la BM et des stratégies développées par d’autres économies du monde pour tirer profit de cette institution financière, qui n’a pas toujours bonne presse en Afrique subsaharienne.
Pour cet ancien conseiller spécial du président André Siaka (du temps où il était à la tête Gicam), la faute du retard des économies subsahariennes et notamment du Cameroun n’est pas à attribuer à la BM, mais au Cameroun. « Le portefeuille de la Banque mondiale au Cameroun est sinistré. C’est l’un des portefeuilles le plus à problèmes en Afrique centrale. Malheureusement ! Sur un portefeuille de 19 projets aujourd’hui, il y a 17 qui sont à problèmes », tranche l’ancien directeur de publication du journal Dikalo.
Sont pointés du doigt, une kyrielle de maux. L’immaturité des projets en tête. En clair, le Cameroun toque à la porte de la BM pour avoir des financements, celle-ci les lui sont accorde, et c’est en ce moment-là que le pays commence donc à venir réfléchir sur la forme du projet pour lequel il a déjà eu des fonds. En dehors de cet écueil, la passation des marchés est un chemin de croix, la faiblesse des décaissements, retards dans la mise en œuvre des projets entre autres sont autant de goulots d’étranglement qui font que l’argent emprunté est souvent menacé de retourner à la BM, comme c’est le cas des 1200 milliards de FCFA, révélés en mai 2023, qui pourraient tomber dans la forclusion dans trois ans, s’ils ne sont pas consommés.
Dans l’imagerie populaire, la BM est un frein qui ne peut faciliter l’émergence d’aucun pays. Du regard d’Emmanuel Ngankam Noubissie, il y a certes une part de vérité dans cette charge accusatoire, mais il faut savoir raison garder et être original dans les choix économiques. « Le Cameroun n’a pas toujours su tirer profit de la Banque mondiale, qui est dans le monde une institution de référence en matière d’expertise. Il y a un certain nombre de pays qui savent le faire comme la Chine, qui cherche des financements de la Banque mondiale ainsi que son expertise. »
En clair donc, pour mieux tirer avantage de la relation financière avec cette institution, il vaut mieux également mettre en application ses directives et ce, de manière très rigoureuse, tout en étant ordonné et exigeant vis-à-vis de soi-même. « Je voudrais vous rappeler qu’aucun pays au monde, je dis bien aucun, n’est sorti des ornières de la pauvreté grâce uniquement à la Banque mondiale. Par contre, tous les pays qui ont pu émerger ont eu recours à la Banque mondiale », confie-t-il.
D’ailleurs, soutient Emmanuel Ngankam Noubissie, des économies émergentes souvent prises en modèle n’ont pas totalement rompu d’avec cette institution financière accusée de tenir des pays pauvres dans leur état. « Jusqu’en 2015, la Chine était le premier emprunteur de la Banque mondiale. Mais en même temps elle faisait concurrence avec [cette institution financière] sur le marché de l’aide publique au développement en Afrique. Aujourd’hui, le plus gros emprunteur de la Banque mondiale c’est l’Inde, [qui est la 5e] puissance industrielle. Le second emprunteur c’est le Brésil. Ces pays savent comment utiliser la Banque mondiale. »
Aloys Onana
