Thaumaturge des questions macroéconomiques, Jacques Attali l’avait prédit en avril 2020 sur son blog J@attali.com « Cette épidémie passera, après avoir laissé des traces encore incertaines dans un scenario du pire, elle tuera encore beaucoup de monde, et elle conduira à une crise économique pire que toutes celles déjà connues depuis 1945. » Cette vision a déjà pris corps et évolue à très grands pas. Les effets commencent à se ressentir au niveau du Cameroun. Le Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam) frémit et tire la sonnette d’alarme.
Les données chiffrées pointent que les prix d’achat des matières premières et du fret maritime connaissent des hausses historiques les plus élevées sur les 20 dernières années. L’on note des majorations de 30 à 200 % des prix suivant les matières premières entre août 2020 et août 2021. Dans ce hitparade vertigineux, les coûts du fret maritime affichent une hausse de 400 % en un an. Les liaisons Europe-Afrique connaissent un taux d’accroissement des coûts de 250 %, tandis que les liaisons Asie-Afrique enregistrent une hausse de 400 %, confie le Gicam, qui ajoute qu’en un an, le coût detransport des conteneurs s’est envolé. La livraison des conteneurs de 20 pieds a connu une augmentation de + 243 % et les conteneurs de 40 pieds, + 320 %.
A côté de ces faits à la lumières de diverses sources à l’instar du Fonds monétaire international (FMI) ou de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) entre autres, le Gicam braque des projecteurs sur les produits à forte consommation. Là aussi, les matières premières coutent désormais une fortune. Une tonne de blé dur a connu une hausse de 91 %, une tonne de blé tendre 42 %. Côté secteur brassicole, le malt connaît une hausse de 20 %, le maïs, 40 %, le sucre 25 %, les emballages, 15 %, les étiquettes, 30 %.
Volet ciment, la tonne du clinker connaît une hausse de +87,9 %, mille kilogrammes de minerai de fer +97,3 %. Les engrais ont une hausse de 30 %, l’huile de palme locale 10 %. Les chiffres donnent du tournis. « La tension haussière va persister sans nul doute jusqu’en 2022, sous l’effet de la poursuite de la reprise post Covid-19 de l’activité économique dans certaines régions du monde », tranche Célestin Tawamba.
Pour faire face à cette situation qui touche tous les secteurs économiques et chercher des solutions communes, le Gicam a invité le 1er octobre 2021 Luc Magloire Mbarga Atangana, ministre du Commerce (Min commerce). Sur la table, deux scénarii. Le premier, la répercussion intégrale de la hausse des coûts de production sur les prix de vente. « Cette option est clairement inenvisageable aussi bien pour les entreprises que pour l’Etat », bémolise le Gicam.
Une autre option est donc souhaitée, le « partage des charges entre l’Etat, les entreprises et les consommateurs », suggère le premier patronat camerounais. Qui émet quelques pistes de solution : ajustement limitée des prix de vente, subventions ponctuelles, allègements fiscaux (taux de TVA réduit ou nul, allègement/suspension de l’acompte sur certains secteurs, suspensions de contrôles, Suspension des taxes parafiscales, suspension de certaines taxes portuaires, réallocation des appuis COVID aux secteurs stratégiques, réactivation et/ou maintien en 2022 de mesures exceptionnelles instaurées en 2021.
Luc Magloire Mbarga Atangana s’appesantit sur l’inflation (perte de pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix, Ndlr) dans plusieurs pays : « La Côte d’Ivoire connait un taux d’inflation de 4,5 % ; le Ghana 9 %, le Nigeria 17 %, l’Afrique du Sud 4,5 %, l’Inde 3 %, le Brésil 3 % et le Cameroun entre 1,5 et 2 %. Je crois qu’il faut encourager les efforts que vous faites, si je ne le dis pas, je serais malhonnête ».
Mais le Min commerce reste prudent et rusé. « Le Cameroun est dirigé par quelqu’un. C’est même pour cela que nous avons réussi à nous retrouver. Je transmettrai les doléances. Je souhaite également que le Gicam agisse de manière forte au niveau international. Vous serez entendus. Cela nous permettra de ne pas avoir des solutions qui soient limitées dans le temps. Il est bon qu’on entende le cri de la société civile, des populations. On vous écoute souvent mieux à l’international que les gouvernements. »
Aloys ONANA