A seize mois de la présidentielle de 2025, les camerounais, selon le FMI, connaissent une inflation de 5,9 %. L’ordonnance du 20 juin 2024 relative à la majoration du coût d’établissement de la carte nationale d’identité s’ajoute à une très longue liste de faits qui semblent économiquement étouffer les plus pauvres.
La profession de foi de Paul Biya en 2018 constitue en principe l’ensemble d’éléments qui ont séduit son électorat. Qui lui a permis de remporter cette élection présidentielle grâce à 2. 521.934 voix (71,28 %). La dite profession de foi est assez fourni en engagements économico politiques. « L’amélioration des conditions de vie des Camerounaises et des Camerounais sera mon principal objectif. » « Je m’engage à assurer l’accès équitable, à toutes et à tous, aux services sociaux de base, en particulier la santé, l’eau, l’électricité, l’éducation. Je m’engage à accélérer la mise en place d’une assurance santé universelle, je m’engage à assurer le relèvement du pouvoir d’achat, je m’engage à multiplier les initiatives et les actions en vue de la réduction de la pauvreté, je m’engage à assurer une répartition équitable du fruit de l’effort national de développement. »
D’autres engagements capitaux sont contenus dans cette profession de foi. Ils touchent l’économie en majorité ainsi que la politique et devraient emmener le chef de l’Etat à se pencher sur les mille immixtions de Paul Atanga Nji son ministre de l’Administration territoriale. « Je m’engage à consolider la paix par le respect de l’intérêt général, par l’intensification des opportunités d’épanouissement politique, économique, social et culturel de tous. »
Quid des importations de biens pour se nourrir ? « Je m’engage à accélérer l’avènement de l’agriculture de seconde génération par la facilitation de l’accès au crédit et le développement des chaînes de valeur agricoles. Je m’engage à protéger l’agriculture de subsistance. » Mais aussi, « je m’engage à renforcer le rôle du sport, de l’art et de la culture dans le rayonnement du Cameroun. »

Autant de promesses électorales qui n’attiraient pas l’attention, jusqu’à ce que le 20 juin dernier arrive. Jour où le chef de l’Etat Paul Biya a signé l’ordonnanceprésidentielleN° 2024/001 du 20 juin 2024. Une décision qui vient doper les prix d’établissement d’une CNI.
Des voix s’élèvent. « Le défaut de présenter votre carte d’identité est une infraction. C’est une mesure qui punit les pauvres. Comme le pape l’avait dit, “on juge un pays par la façon dont il traite ses plus pauvres”. Si vous considérez les autres documents requis, le certificat de nationalité, la copie certifiée conforme de votre acte de naissance et d’autres frais accessoires, vous êtes bien au-dessus des 10 000 CFA. Pour chaque 10 000 000 (dix millions) Camerounais, le gouvernement collectera 100 000 000 000 FCFA. (Cent milliards) Pourquoi le citoyen pauvre devrait-il supporter ce fardeau ? Le gouvernement peut se faire payer au moins 900 000 000 (neuf cent milliards) CFA auprès du maitre avoué de la corruption Glencore », écrit Me Akere Munua sur X.
Comme lui, Maurice Kamto a sa lecture. « Après l’augmentation continue du prix des carburants [de 15 % le 3 février 2024, Ndlr] l’ordonnance présidentielle n° 2024/001 du 20 Juin 2024, est une preuve de plus que le gouvernement du RDPC est déconnecté des réalités de la vie des Camerounais. Sinon comment peut-il, dans un contexte de paupérisation généralisée des populations, procéder à une augmentation astronomique du coût des timbres de passeport et autres documents, et en particulier de la Carte Nationale d’Identité (CNI). Une telle décision, qui relève du je-m’en-foutisme du régime, est indéfendable et par conséquent inacceptable. »
« En effet, après avoir privé les Camerounais de la carte nationale d’identité (CNI) depuis plusieurs années, notamment à cause d’une mauvaise gouvernance publique sidérante, le Gouvernement vient de porter le prix du timbre de la CNI de 2.800 FCFA à 10.000 F CFA soit une hausse exponentielle de 257%. Lorsqu’on ajoute à ce prix de timbre le coût du certificat de nationalité (3.500 F CFA) et celui de la copie de l’acte de naissance (2.000 F CFA), le coût final de l’établissement de la CNI revient désormais à près de 15.500 F CFA, soit 1/3 du SMIC qui est de 41.875 F CFA. Bien évidemment, lesdits coûts ne prennent pas en compte l’impôt privé prélevé sur les usagers dans nos différentes administrations », poursuit le leader du Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) dans un communiqué rendu public.
« En plus d’être irresponsable, cette augmentation ne tient aucun compte de la modicité du pouvoir d’achat de l’écrasante majorité des Camerounais, minés par la pauvreté ambiante. Faut-il le rappeler, l’Institut National de la Statistique (INS) a établi, en mars 2024, que dix millions de Camerounais vivent avec moins de 1000 F CFA par jour ! »Se désole Maurice Kamto. Pour de nombreuses voix du parti au pouvoir, toute innovation a un coût. Aussi, ajoute-t-on, l’entreprise allemande retenue pour ce marché assurera un transfert de technologie, ce qui est perçu comme un bénéfice pour l’Etat du Cameroun. Un pays qui connait une inflation de 5,9 %, selon le FMI.
Aloys Onana