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Gabriel Dodo Ndoké : « Toutes les entreprises auxquelles l’Etat du Cameroun octroie des titres miniers sont des sociétés de droit camerounais comme l’impose la loi »

by EDC
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Le ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique a accordé une interview aux confrères du journal Essingan.

Monsieur le ministre, vous nous recevez dans un contexte de rentrée scolaire au Cameroun. L’exploitation minière a un impact négatif sur l’éducation des enfants en âge scolaire qui sont attirés par le travail dans les trous miniers. Que pouvez-vous dire à ces enfants afin qu’ils fassent de l’école leur priorité ?

Merci de me donner l’occasion de revenir une fois de plus sur cette question importante de l’emploi des enfants dans le cadre de l’exploitation minière artisanale dans notre pays. Nous l’avions déjà évoquée l’année dernière et, à l’occasion, j’avais pris une décision interdisant formellement la présence de tous les enfants en âge scolaire dans les chantiers d’exploitation artisanale.

Mes collaborateurs des services déconcentrés autant que les autorités administratives et les éléments des forces de maintien de l’ordre ont été mobilisés dans le suivi et le contrôle de ce phénomène.

Le mot envers les parents, envers les partenaires miniers sur le terrain, pour l’année scolaire 2022/2023 reste le même à savoir « interdiction formelle de la présence des enfants en âge scolaire dans les chantiers miniers dans notre pays ». Nous avons lancé une série de contrôles et je voudrais saluer l’opération coup de force menée dans la nuit du 4 au 5 septembre 2022 menée par les autorités administratives de la région de l’Est (le gouverneur de la région et le préfet du département de la Kadéy) en collaboration étroites avec mes services déconcentrés qui a abouti à l’évacuation des enfants de tous les chantiers miniers. Il s’est agi pour les éléments de force de l’ordre d’investir les lieux. Ce qui a eu pour effet de dissuader les parents à laisser descendre les enfants dans ces chantiers miniers. C’est une action que nous avons commencée et que nous allons poursuivre.

Le cas de la Kadéy, de Kambele en particulier, était à suivre de près. Comme vous devez le savoir, ces derniers temps, nous y avons enregistré beaucoup d’accidents. Il fallait donc être vigilant et je dois dire que nous sommes satisfaits des résultats du début de cette activité parce qu’elle porte déjà des fruits.

Pour justifier leur activité dans les chantiers miniers, les exploitants évoquent la violence de la pauvreté causée par les difficultés à désormais exercer les activités agricoles du fait de la menace sur le foncier ainsi que par l’impossibilité de faire la pêche dans des eaux polluées. Est-ce que ces excuses tiennent à votre avis ?

La présence des riverains dans les sites a souvent été présentée comme une nécessité et c’est en partie vrai. Il faut également dire que cette attitude est culturelle. Dans notre pays, vous avez des aires géographiques où, quelque soit le montant des revenus, les populations ont intégré que l’activité économique la moins coûteuse, la plus porteuse, est l’exploitation minière parce qu’elle est immédiatement rentable financièrement. Contrairement à l’agriculture où les délais de retour sur investissement sont plus longs.

Cela dit, la pauvreté est ambiante, c’est vrai. Mais ce n’est pas qu’autour des chantiers miniers. C’est aussi vrai que les espaces de culture sont menacés du fait de l’exploitation minière mais ce n’est pas partout parce qu’il y en a encire à profusion dans les régions de l’Adamaoua et de l’Est où la question se pose avec acuité. A y regarder de près, le véritable problème est psychologique. Est-ce que l’agriculture donne immédiatement ce dont les populations ont besoin ? Il me semble que beaucoup ont cette pensée peut-être pas très juste que, parce que là aujourd’hui, j’obtiens le fruit de mon labeur, c’est beaucoup. Malheureusement, c’est trompeur.

C’est pour cela que notre travail est plus axé sur la sensibilisation de ces populations et à la mise en place, en relation avec les partenaires au développement des cadres incitatifs pour canaliser nos jeunes, canaliser nos populations riveraines vers des activités alternatives où ils peuvent avoir le sentiment que travailler autrement que d’entrer dans la mine peut avoir également son effet. C’est à cela que nous travaillons et nous espérons tenir le bon bout pour les sortir de ces trous qui les engloutissent régulièrement.

Est-ce que la solution n’est pas aussi dans la redistribution équitable des revenus de l’exploitation minière afin que les riverains, et plus particulièrement les collectivités territoriales décentralisées (Ctd) riveraines, bénéficient des retombées de l’exploitation minière sur des sols qu’ils occupent depuis plusieurs années ?

Tout est prévu dans les textes. Je dois vous dire que la loi camerounaise qui régit le secteur minier est bien avant-gardiste sur la question du contenu local, sur la question de la prise en compte des intérêts des populations riveraines et de ceux des Ctd riveraines des zones d’exploitation minière. Cela dit, est-ce que les populations bénéficient effectivement des effets de cette loi qui existe ? Je dois avouer en ce qui me concerne, que la mise en œuvre a quelques difficultés à décoller parce que nous enregistrons tout le temps les demandes des populations riveraines et des Ctd pour la restitution effective de ce qui leur est dû. Cette situation se justifie plus par des questions de procédures que par ce que l’Etat n’y pense pas.

En ce qui concerne particulièrement l’exploitation de l’or, je voudrais vous dire qu’il y a l’impôt synthétique qui est la collecte en nature de l’or pour le compte de l’Etat et à partager avec les Ctd et les populations riveraines. Cet impôt doit faire l’objet d’une procédure menant à la transformation de l’or sorti des trous vers l’or monétisé. Celui-ci est en réalité cet or ayant une valeur monétaire dont il faut faire produire l’effet direct sur les populations riveraines.

Est-ce que ce système de transformation existe déjà ou alors il est seulement prévu par la loi ?

C’est un système qui existe et au moment où je vous parle, les quotes-parts des populations riveraines au plan comptable sont connues, commune par commune. Et je dois d’ailleurs vous dire que le ministère en charge des Mines est également demandeur parce que bénéficiaire d’une partie de ces quotes-parts qui vont permettre à nos équipes de se déployer sur le terrain. Du coup, j’attends aussi ces quotes-parts qui ne sont pas encore reversées à cause des questions de procédures. L’or a redistribuer n’est pas en petits bouts.

Voilà, au plan technique, pourquoi les populations riveraines n’ont pas tout de suite le retour des quotes-parts qui leur sont dus. Et cette porcédure va du ministère des Mines, pour l’évaluation des quantités pour le ministère des Finances pour la mise à disposition directe à partir du trésor des quotes-parts qui sont destinées à chacune des composantes indiquées dans la loi suivant des fourchettes de répartition. Et ce n’est qu’à ce niveau de procédure que ça retarde un peu mais c’est une question de temps.

Est-ce que l’Etat du Cameroun lui-même bénéficie des retombées de l’exploitation minière, surtout quand on évoque les polémiques nées de la publication de certaines conventions minières ?

Permettez-moi de ne pas revenir sur la polémique récente concernant un projet minier qui avait fait l’objet d’une convention minière entre l’Etat du Cameroun et une société. La question a été largement évoquée mais évacuée. Je puis vous dire que le contrat auquel vous faites allusion présentait toutes les garanties de protection des intérêts de l’Etat, des Ctd et des populations riveraines, des retombées directes et indirectes concernant l’emploi, des effets induits sur l’économie à travers les sociétés de sous-traitance nationales, à travers le transfert de technologie que cette activité va apporter pour notre pays, à travers la fiscalité évidemment. Autant de garanties qui portent à croire que l’Etat du Cameroun, rendu au stade d’exploitation normale de son sous-sol dans les conditions fixées par la loi, rentre dans ses droits.

Maintenant, à l’Est, dans une partie de l’Adamaoua, notamment dans le Mbéré et le Djerem, au Nord dans le Mayo-Rey, il y a des pratiques sur le terrain qui ne sont pas toujours bonnes. Mais je puis vous dire que ces mauvaises pratiques font l’objet de notre attention à travers les missions de contrôle. Mais je reconnais avec vous qu’il y a encore beaucoup à faire. Et vous savez que dans ce domaine, beaucoup de malins se cachent dans l’ombre et pour les débusquer, il faut des moyens humains et matériels mais aussi compter sur un réseau d’information fiable. Pour que nous sachions qu’un voyageur a dissimulé des matières précieuses dans son sac pour traverser le cordon douanier du pays pour aller s’enrichir de l’autre côté, il faut bien que nous soyons renseignés, à défaut de disposer des moyens techniques de vérification et de contrôle. C’est pour cela que les populations doivent comprendre que leur collaboration est dans leur intérêt en ce qu’une fois la bonne information parvenue et que la juste part faite dans la redistribution de ces revenus, le retour leur sera fait à travers ces quotes-parts qui leur reviendront.

Pouvez-vous nous situer sur l’espace temporel du traitement de ces quotes-parts et, si possible, nous donner quelques chiffres sur les dotations antérieures ?

Sur l’espace temporel, nous espérons que cela aboutisse bientôt. Je voudrais vous dire qu’un comité est mis en place et qu’il fonctionne au niveau du ministère des Finances et logé à la direction du trésor et de la coopération financière et monétaire où, au moment où nous vous parlons, la procédure de monétisation de l’or matière des années passées son achèvement. Sur le timing, vous allez comprendre avec moi que je ne suis pas bien placé pour vous dire à quel moment le virement sera effectué pour les communes. Ce qui est sûr est que chacune d’elle connaît le montant de son virement parce que, du temps où nous travaillions encore avec le Capam, chaque mois, les quantités d’or prélevées dans chaque commune étaient rendues publiques parce que les communes ont des représentants dans les comités communaux où ces chiffres sont traités. Donc sur le plan comptable, chacun sait ce qui doit lui revenir. Ces états existent. Aujourd’hui, nous sommes simplement en train de passer du stade du chiffre au liquide à travers la mise à disposition effective dans les comptes des différents bénéficiaires de leurs quotes-parts déjà liquidées.

Je vais d’ailleurs vous dire que la préoccupation que vous évoquez a toujours été celle des partenaires au développement. Souvenez-vous que nous sommes membres de l’Itie (initiative pour la transparence des industries extractives, ndlr). Là-bas également, c’est une question qui est adressée et nous leur avons donné les mêmes explications que nous vous donnons en ce moment. Nous sommes en parfaite entente avec nos partenaires avec la bonne volonté du gouvernement camerounais d’être transparent sur la question de la redistribution des ressources extractives te plus particulièrement, celles provenant de la monétisation de l’or, relevée dans le cadre de l’impôt synthétique parce que tout simplement, c’est de ça qu’il s’agit. Pour les autres dimensions d’exploitation, ça viendra dans les contrats dont vous avez parlé. Quand nous allons embrasser la grande mine, la problématique va monter d’un cran au point que les collectivités impactées en ressentiront les effets immédiats.

Le 27 juillet 2022, le préfet de la Kadéy avait signé un arrêté portant fermeture de neuf sociétés minières exerçant sur le chantier de Kambele 3 à Batouri. Mais l’on observe sur le terrain que certaines entreprises sont toujours en activité, certaines se prévalant d’avoir des appuis ici au ministère des Mines pour exercer pendant que d’autres sont fermées. Qu’en est-il ?

Je dois dire que l’autorité administrative a pris cette décision au motif que l’ordre public, la sécurité et l’environnement étaient menacés. C’est une décision qui est en droite ligne d’une collaboration étroite avec nos services. Nous y travaillons ensemble et c’est une décision à laquelle nous avons participé. Il s’est enregistré en cette période une série de morts parce que les populations ne prenaient aucune mesure de protection. Il était alors normal que l’autorité administrative, qui du moins était dans son rôle, prenne cette décision.

Pour que les choses reviennent à la normale, nous avons pris ensemble un train de mesures correctives. Celles-ci ont fait l’objet d’un cahier de charges que chacune des sociétés fermées devaient respecter pour être autorisées à reprendre leurs activités. L’évaluation devait être faite au cas par cas pour voir celles qui ont impacté un point précis et qui devaient mettre en œuvre une mesure corrective pour que la suspension soit levée. C’est ce qu’a fait l’autorité administrative. Nous en avons été informés et nous avons procédé aux vérifications d’usage pour nous rendre compte qu’effectivement que les entreprises rouvertes sont celles qui avaient respecté les clauses contenues dans leur cahier de charges. Les disparités dans la reprise des activités des unes et des autres ne signifie en rien qu’il y a eu des faveurs indument accordées à certaines et non à d’autres. Nous sommes restés en phase avec l’autorité administrative. Aucune entreprise minière, fut-elle artisanale, ne peut exercer sous le regard de l’autorité administrative sans disposer d’autorisation. Maintenant, est-ce que l’autorisation qui leur est attribuée donne lieu à une exploitation dans le strict respect du cahier de charges prescrit ? Là est toute la question. Et c’est à ce niveau que tous, vous et nous, sommes interpellés pour veiller au respect de ces cahiers de charges.

A la suite du préfet de la Kadéy, celui du Djerem a pris la même décision. Ce qui indique que les autorités mettent un point d’honneur à veiller au respect de la réglementation en matière d’exploitation minière.

Je confirme qu’effectivement, à la suite de son homologue de la Kadéy, le préfet du Djerem dans la région de l’Adamaoua a interdit l’activité minière sur une portion de son territoire de commandement. Cela n’exclut pas la collaboration avec nos services puisque, dans un cas comme dans l’autre, je réitère que nous sommes en phase avec l’autorité administrative.

A la suite des morts de Kambele 3, il ressort de notre enquête que la méconnaissance des sites miniers par les populations, pour la plupart étrangères, le travail nocturne et le fait pour les entreprises autorisées de ne pas refermer les trous miniers constituent les principaux facteurs de décès dans les chantiers miniers. En autorisant le redémarrage des activités des sociétés minières à Kambele 3, quelle est la garantie que ces trois causes de décès n’existent plus ?

Je vais commencer par évoquer le troisième point pour dire, ou redire, que nous travaillons en intelligence avec l’autorité administrative. Des protocoles ont été définis pour la reprise de ces sociétés. Ces protocoles intégraient la sécurisation des sites miniers et la refermeture de certains trous restés orphelins. Ce que nous faisons c’est suivre, contrôler et remettre de l’ordre là où le désordre s’est implanté.

Par rapport à la méconnaissance du site et le travail de nuit, nous allons dire de manière péremptoire qu’aucun travail de nuit n’est autorisé. Vous convenez d’ailleurs avec moi que lorsque quelqu’un qui ne connait pas un site s’y présente de nuit, il aggrave la dangerosité de son activité. La presque totalité des cas que nous avons enregistrés jusqu’ici sont des cas d’indiscipline, je dois l’avouer. Nous déplorons les pertes en vie enregistrées mais nous voulons néanmoins dire que la quasi-totalité des cas que nous enregistrés proviennent de l’envahissement clandestin des sites miniers de nuit. Dans la nuit, presque personne n’est sur un site pour donner l’alerte. Comment, dans la pénombre, vont-ils voir un glissement de terrain venir ? Du coup, ils ne peuvent pas s’échapper tant la visibilité est réduite. Quelque fois, il y a des sinistres qui arrivent dans la nuit et personne n’est au courant. C’est généralement quand une personne manque à l’appel que, par les fouilles et battues, l’on se rend compte qu’il a été enseveli par la terre dans un des éboulements observés. En réalité, ces cas malheureux enregistrés jusque-là peuvent également se justifier par l’incivisme. Mais, comme je vous l’ai indiqué, à la date d’aujourd’hui, sur les sites à risques, comme ceux de Kambele que nous avons particulièrement identifiés, les dispositions sont désormais prises en relation avec les forces de maintien de l’ordre pour que ces envahissements clandestins cessent à jamais.

Le Cameroun est partie de l’Itie dont l’un des principes est justement la transparence dans la publication des contrats miniers auxquels il est difficile d’accéder. Pouvez-vous rassurer l’opinion sur la question ?

Il faut déjà relever que nous sommes bien alignés sur la norme Itie prescrivant la transparence dans la diffusion de l’information géologique et minière, particulièrement celle des contrats. Souvenez-vous que, parce que nous avons voulu respecter cette exigence, l’opinion s’est enlisée sur un des dossiers que vous connaissez très bien. La polémique était partie d’une place publique où nous étions allés volontairement présenter au monde entier ce que nous faisons. Mal nous en avait pris, nous ne regrettons d’ailleurs pas de l’avoir fait parce que nous croyons toujours nous avions fait ce qu’il fallait. Simplement, nous avons été confrontés à beaucoup de malentendus. Malgré cet épisode malheureux, nous ne pouvons ne pas diffuser les contrats miniers.

Pour autant, il faut faire la part des choses. Lorsqu’un permis de recherche est attribué, il faut comprendre que l’activité est encore aléatoire en ce que cette attribution ne vaut pas encore certification de la présence du minerai dans le sous-sol. Ce type de titre se retrouve en ligne sur le site du cadastre minier camerounais. Tous les titres délivrés y sont d’ailleurs visibles à partir d’une application développée par le ministère.

L’on parle de contrat minier lorsqu’une recherche aura abouti à un résultat économiquement rentable. En ce moment, l’Etat du Cameroun et l’entreprise qui a fait des recherches passent à une autre phase, celle de la négociation d’une convention minière, parce que nous savons déjà qu’il y a de la ressource à exploiter qui pourra bénéficier à l’Etat, à l’entreprise et aux populations riveraines. C’est à ce moment-là que les conditions d’exploitation, de redistribution des ressources, etc. qui nécessitent d’être sues par le public font l’objet d’une convention à lui présenter. Nous l’avons toujours fait. C’est ce qui a été fait en 2019 avec Codias pour l’exploitation d’une petite mine d’or à Colomine dans la région de l’Est ainsi qu’avec Gestoms, une entreprise camerounaise, pour l’exploitation du fer d’Akom 2 dans le Sud. Idem avec Geovic pour le nickel, le cobalt et le manganèse de Nkamouna par Lomié, dans la région de l’Est. Pour tout dire, chaque fois que nous sommes parvenus à un stade du processus qui amène le Cameroun à signer une convention minière, celle-ci est automatiquement rendue publique. Si vous avez l’impression que les contrats miniers ne sont pas rendus publics, c’est certainement que vous ne saviez pas qu’ils accessibles sur le site web du cadastre minier.

Monsieur le ministre, l’on a l’impression que les entreprises minières camerounaises n’ont presque pas accès à la mine. Qu’est-ce qui peut expliquer cette situation ?

Je voudrais vous dire que toutes les entreprises auxquelles l’Etat du Cameroun octroie des titres miniers sont des sociétés de droit camerounais comme l’impose la loi. Maintenant, il faut faire la part des choses. Lorsqu’une entreprise camerounaise peut être une filiale d’une entreprise étrangère, ce n’est jamais dit ainsi. Ces entreprises étrangères qui arrivent au Cameroun ont l’obligation de créer des entreprises de droit camerounais. Celles-ci ne dépendent pas, sur le plan de leur gestion ni de leurs relations avec l’administration, de la société mère. Elles ne reçoivent pas d’ordre de celle-ci pour agir d’une manière comme d’une autre.

Pour exercer dans la mine au Cameroun, il faut créer une société de droit camerounais. Le Cameroun ne délivre pas de permis d’exploitation minière à des personnes physiques. Pour vous dire, un Camerounais, promoteur d’une société minière, et un étranger ayant le même statut sont pris au même pied d’égalité. A la seule différence que les dividendes (la part des bénéficies qui leur revient directement et non le bénéfice qu’ils partagent avec l’Etat) sont partagées à parts égales.

Ce sont plutôt des opportunités pour nous que d’autres viennent nous aider à gagner de l’argent caché dans notre sous-sol dans les mêmes conditions que les Camerounais qui exercent la même activité. Cela dit, il y a effectivement la capacité technique et l’expérience dans le métier qui font la différence. Des Camerounais ont cette expérience sans que cela empêche les étrangers de venir partager la leur avec nous. Et davantage, il est mieux pour le Cameroun de travailler avec ceux qui ont la meilleure expérience, qu’ils soient des nationaux ou des étrangers.

Je pense que le débat qui a aujourd’hui cours qui fait croire que la mine camerounaise est donnée à des étrangers ne devrait pas avoir lieu. Ce que ces étrangers gagnent est ce que la loi camerounaise leur permet de gagner en payant les impôts, non pas dans leur pays, mais bien au Cameroun.

Combien y a-t-il de titres au Cameroun et combien produisent-ils à l’Etat ?

Je vous ai dit que l’Etat ne commence à récolter les fruits de l’activité minière qu’en phase d’exploitation. Parlant de la mine industrielle, le Cameroun ne dispose d’aucun projet minier. Cela dit, notre pays a une centaine de permis de recherche qui génèrent automatiquement chaque année, sur la superficie attribuée pour la recherche, un impôt appelé redevance superficiaire annuelle. Vous convenez avec moi que c’est plutôt une aubaine pour l’Etat du Cameroun en ce que le paiement de cette redevance ne dépend pas du résultat de vos recherches mais de la simple occupation d’une superficie à laquelle vous donne droit l’attribution de votre permis de recherche. Chaque km2 constitue une ressource pour l’Etat. Cependant, si d’aventure, l’entreprise adjudicataire d’un permis de recherche se retrouve en train d’exploiter le site qu’on lui avait attribué, elle va rentrer dans son investissement antérieur en en phase de recherche. Mais il peut arriver que la recherche n’aboutisse pas et l’entreprise ne peut rien réclamer à l’Etat du Cameroun. Et vous convenez avec moi que ce n’est pas une mauvaise chose pour l’Etat.

Est-ce que Cameroun dispose d’une réserve d’or ?

Oui. Notre pays en dispose. Et c’est pour ça que nous vous avons dit que, dans le cadre de l’exploitation artisanale, l’astuce qu’a trouvée le Cameroun pour renforcer sa réserve d’or c’est le partage de productions entre celui qui sort l’or de terre et l’Etat. C’est cet or qui est sujet à redevances à distribuer aux riverains et aux Ctd. Sauf que l’on ne peut pas couper en petits bouts un lingot d’or et le distribuer ainsi.  Pour que l’or devienne de l’argent, on le transforme en argent qu’on distribue aux bénéficiaires pendant que l’Etat garde l’or et en fait sa réserve. Par ailleurs, l’Etat étant le premier acteur économique, et l’or un bien économique pouvant faire l’objet de transactions commerciales, le Cameroun peut acheter de l’or pour lui-même en dehors de celui qu’il engrange par la fiscalité à travers le partage de productions. L’Etat peut rentrer comme acteur économique, acheter de l’or là où on le trouve par ses propres moyens, c’est ce que le Capam faisait, pour renforcer son stock. Celui-ci est aujourd’hui constitué de l’or qui provient du partage de productions (25% de la production à redistribuer entre les différents bénéficiaires) et de celui acheté sur les marchés.

Monsieur le ministre, les textes qui régissent l’utilisation du mercure ne sont pas précis sur les conditions d’utilisation et les quantités à utiliser pour laver l’or. Pouvez-vous nous apporter des précisions à propos ?

C’est une importante question sur l’utilisation du mercure. D’emblée, je dois dire que, fondamentalement, le mercure est un produit nocif pour la santé de l’homme et à l’environnement. En tant que tel, il fait l’objet d’une réglementation pour son utilisation et d’interdiction dans certains cas comme lorsqu’il est directement déversé dans les lits de fleuves et de rivières. Les conséquences sur la flore et la faune, donc sur l’environnement sont graves. Elles sont plus graves sur l’intégrité physique des personnes qui manipulent ce produit sans protection. Par conséquent, l’utiliser directement dans la nature est interdit.

Mais il se trouve que le mercure est un produit de facilitation dans des conditions précises. Il est un décanteur, un révélateur de la présence de l’or. On l’utilise particulièrement dans le traitement de l’or. Cependant, nous avons des prescriptions, des normes d’utilisation de ce produit qui ne doit pas rentrer dans la nature. Il y a des packs de décantation qui permettent d’utiliser et de récupérer les résidus nocifs de ce mercure pour qu’ils ne rentrent pas dans la nature. Des procédures techniques existent pour utiliser le mercure à des fins de révélation et de traitement de l’or sans le répandre dans la nature. Et c’est ce que nous suivons.

Je vous informe à ce propos qu’en relation avec le ministère de l’Environnement, nous travaillons en ce moment avec l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel (Onudi) qui accompagne un projet dénommé Minamata sur l’utilisation du mercure dans le traitement de l’or issu de l’exploitation artisanale. Nous sommes dans la première phase d’étude dont le ministère des Mines tient un volet. Pour la suite, nous envisageons de passer à des actions correctives des impacts de l’utilisation antérieure de ces produits qui ont été nocifs autant pour l’environnement que pour l’homme. C’est un processus qui se suit et que nous menons bien avec notre partenaire.

Le 14 décembre 2020, le président de la République a créé la Société nationale des mines (Sonamines). Quelle est la qualité de vos rapports avec cette société publique ?

La Sonamines est une entité intégrée à l’Etat du Cameroun. Elle n’est pas créée par le ministère des Mines qui, lui, est une excroissance de l’Etat du Cameroun à qui, l’Etat à travers son garant souverain qu’est le président de la République, a confié la responsabilité de suivre et contrôler un secteur particulier en l’occurrence et entre autres, la mine. En ce sens, le ministère en charge des Mines est l’Etat dans l’activité minière.

En tant que création de l’Etat, la Sonamines est une entité juridique claire, distincte de l’Etat. A tire comparatif, le ministère des Mines ne jouit pas d’une personnalité juridique, statut reconnu à l’Etat du Cameroun dont notre ministère est une excroissance comme je l’ai déjà dit plus haut. Pour autant, la Sonamines travaille sous le contrôle de l’Etat à travers le ministère des Mines.

La Sonamines est une société commerciale à capitaux publics à 100%. C’est un acteur de l’économie nationale dans le secteur de la mine. Le rapport entre les deux réside dans la loi minière camerounaise, qui prévoit le partage de dividende, stipule que, dans tout projet minier parvenu à l’étape d’exploitation, l’Etat du Cameroun a droit à 10% du capital à titre gratuit avec la possibilité d’aller jusqu’à 35%, soit 25% supplémentaires, à titre onéreux. Pour donc être présent dans chaque société minière afin de collecter les 10% revenant à l’Etat, celui-ci a créé la Sonamines. Cette dernière est donc le mandataire de l’Etat du Cameroun dans chaque société minière en phase d’exploitation pour prélever la part réservée à l’Etat qu’elle reverse dans les caisses du Trésor public. Au-delà, pour un certain nombre d’activités du domaine minier, l’Etat peut également mandater la Sonamines auprès des acteurs du secteur pour remplir certaines missions avec ce que cela comporte comme étendue mais surtout contraintes.

Ainsi vu, il n’y a pas de relation d’adversité mais institutionnelle entre l’Etat à travers le ministère des Mines et un acteur, la Sonamines, à qui cet Etat a donné mandat pour exercer certaines de ses prérogatives dans des circonstances expressément définies de par la loi et la volonté du président de la République à travers le décret qui crée la Sonamines et les missions qui lui sont dévolues justement à l’article 4 de ce décret. Il n’y a aucune ambiguïté entre nous. Cela dit, les personnes qui animent les institutions de l’Etat peuvent avoir à certains moments des visions différentes sans que cela empêche l’atteinte des objectifs et que ces différences s’installent comme une norme. Mais ce n’est pas le cas avec la Sonamines et ministère des Mines.

Interview réalisée par Bernard Bangda

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